Grasse, Capitale Mondiale des Parfums
Aujourd’hui, je vais t’emmener faire une balade dans l’arrière-pays niçois, à la découverte de Grasse, une ville de 50 000 habitants, située à 12 km de la côte méditerranéenne, au nord de Cannes.
La ville s’étend sur une vaste superficie et connaît un grand écart d’altitude : partant de moins de 100 mètres au-dessus du niveau de la mer, elle monte jusqu’à plus de 1000 mètres d’altitude. Depuis plus de cinq siècles, la ville de Grasse est connue comme la Capitale Mondiale de la Parfumerie. Un savoir-faire ancestral qui s’est développé et transmis de génération en génération pour faire de ce qui n’était qu’un hameau miséreux, une des plaques tournantes de l’industrie des senteurs dans le monde et un des fleurons de l’économie française.
Grasse, une histoire fascinante
Son histoire, très intéressante, est un exemple de Success Story à la sauce provençale… Au Moyen-Âge, vers l’an 1000, Grasse n’était qu’un minuscule village dont les habitants subsistaient avec peine, grâce à de maigres cultures vivrières et à l’élevage de moutons et de chèvres.
Mais deux siècles plus tard, la ville connaissait sa première métamorphose et se transformant en une République marchande libre et indépendante, à l’image de Pise et de Gènes, puissantes villes italiennes de l’époque avec lesquelles Grasse signa d’ailleurs des traités d’alliance et de commerce.
Ce n’est qu’à partir du XIIe siècle que la ville devint véritablement prospère. Et indéniablement, l’un des facteurs de sa richesse fut basé sur des activités qu’elle pratiquait déjà depuis des siècles : l’élevage et le commerce des peaux.
Les tanneurs grassois acquirent une réputation inégalée dans la région méditerranéenne et devinrent richissimes. (Un tanneur, c’est quelqu’un qui transforme la peau d’un animal pour en faire du cuir).
En effet, Grasse était réputée pour la qualité et la finesse de ses cuirs et elle se spécialisa alors dans la fabrication des gants de cuir. Toute la noblesse des environs acheta désormais des gants grassois dont la réputation inégalée arriva même jusqu’à Paris et Londres. Certains gantiers avaient en effet un carnet de commandes qui dépassait largement les frontières azuréennes. La mode était lancée.
Les débuts malodorants de la parfumerie
L’artisanat du cuir présentait toutefois un inconvénient notoire : les odeurs nauséabondes qui se dégageaient des tanneries… Et au XIIe siècle, c’était une véritable pestilence qui régnait sur la ville de Grasse.
En effet, pour assouplir les cuirs et les rendre plus doux, les tanneurs utilisaient à l’époque de l’urine et des excréments, ce qui rendait l’air irrespirable dans les rues de la ville. Entre le XIIe et le XVIe siècle, Grasse puait allègrement et malgré leur qualité, les accessoires de cuir que la ville produisait sentaient également fort mauvais, ce dont se plaignaient ses riches clients qui commencèrent à se détourner de ces produits.
Jean de Galimard, un précurseur malin
Voyant que son chiffre d’affaires diminuait drastiquement, Jean de Galimard, un tanneur installé à Grasse, eut une idée de génie : pour masquer les odeurs qui gênaient tant ses clients, il décida de tremper les gants qu’il fabriquait dans diverses eaux parfumées à la lavande, au mimosa ou à la fleur d’oranger, plantes odoriférantes qui poussaient en abondance dans les environs.
Sa technique connut un vif succès parmi sa clientèle et ses confrères s’empressèrent de l’imiter. Mais ce qui apporta à Jean de Galimard une absolue notoriété fut un coup marketing extraordinaire : il offrit une paire de gants parfumés à Catherine de Médicis.
Enchantée par ce cadeau, la Reine de France l’introduisit à la cour et bientôt, toute l’aristocratie voulut posséder des gants parfumés par Galimard qui devint ainsi le fournisseur officiel de la cour. Outre les gants, il élabora alors des parfums, des huiles et des pommades odoriférantes qui connurent un grand succès parmi ses prestigieux clients dont l’hygiène corporelle n’était pas, comme on le sait aujourd’hui, la qualité première ! L’engouement pour les produits apportés par Galimard fut tel qu’en 1614, Louis XIII créa la guilde des “Maîtres Parfumeurs et Gantiers”, ce qui marqua le début d’un savoir-faire unique au monde.
Les développements de l’horticulture grassoise
Dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle, Grasse, jusqu’alors connue pour ses tanneries, se lança dans la culture des plantes à parfums qui poussèrent à merveille en raison de son climat doux, de son dénivelé particulier, de la richesse de ses sols et de la profusion des sources et des cours d’eau.
L’horticulture devint donc une ressource complémentaire pour les paysans pauvres qui plantèrent dans les alentours de Grasse des champs de lavande, de mimosas, d’orangers, de myrte… Cultures qu’ils enrichirent ensuite des nouvelles plantes que les explorateurs de l’époque rapportèrent d’Afrique, d’Inde ou d’Amérique : jasmin, tubéreuses, musc, ambre, agrumes, roses…
Grasse se retrouva entourée de champs de fleurs à perte de vue. La ville, qui quelques siècles auparavant sentait la charogne, fut alors surnommée Capitale Mondiale des Parfums. Et le nombre de Maisons de parfumeurs explosa.
Au XIXe siècle, les plus célèbres parfumeurs du monde s’étaient installés à Grasse et la très grande majorité des huiles essentielles étaient produites dans les alentours.
Et c’est dans les champs de fleurs de Grasse que Coco Chanel et Ernest Beaux, ancien parfumeur des tsars russes, élaborent leur première fragrance : l’iconique N°5. Il s’agit d’un bouquet complexe d’environ 80 ingrédients, dont la rose de mai, une fleur rare et fragile qui pousse dans la région. La Maison Chanel contribua à l’économie locale en signant dès les années 20, des accords d’exclusivité avec certains producteurs locaux pour s’assurer que la qualité des fleurs restent la même.
Grasse aujourd’hui
Et qu’en est-il aujourd’hui ?
La Maison Galimard, descendante du tanneur aux gants parfumés, existe toujours : c’est l’une des plus grandes fabriques de parfums de Grasse et sa notoriété internationale est désormais incontestable.
Aujourd’hui, l’industrie des senteurs à Grasse reste florissante : les 70 entreprises de cette région dégagent un chiffre d’affaires de 2,7 milliards, ce qui constitue 10% du chiffre d’affaires mondial des senteurs et des arômes.
La qualité des fleurs cultivées ici est très spéciale, et les reines incontestables des jardins grassois sont la rose centifolia, la tubéreuse et le jasmin grandiflorum dont la senteur à la fois délicate et puissante est incroyable.
Troisième secteur exportateur de l’Hexagone, la filière parfums-cosmétiques est un des fleurons de l’économie française grâce à de grands groupes internationaux comme Chanel ou L’oréal, mais aussi à des TPE (très petites entreprises) ou des PME (petites et moyennes entreprises) pour 80% de l’activité.
Et Grasse, avec son savoir-faire ancestral et sa production florale d’une indéniable qualité, tient une place importante dans ce succès.
D’ailleurs, en 2018, l’UNESCO a inscrit au Patrimoine Immatériel de l’Humanité les artisanats liés au parfum dans le Pays de Grasse : la culture de la plante à parfum, la connaissance et la transformation des matières premières naturelles et l’art de composer le parfum bénéficient désormais d’une reconnaissance à la fois officielle et symbolique.
De la culture de la fleur à sa transformation, de l’industrie du luxe (avec les parfums et les cosmétiques) à la production d’arômes destinés à l’alimentation, il s’agit là d’un pôle économique de tout premier plan qui représente dans la région plus de 5000 emplois directs et 10 000 emplois induits.
Et c’est sans compter les quelque 2,5 millions de touristes qui visitent chaque année La Capitale Mondiale des Parfums, ses jardins de plantes aromatiques, le Musée de la Parfumerie et les diverses fabriques de parfums.
Alors si jamais tu passes un jour par la région, n’oublie pas d’aller flâner à Grasse. La ville se prête bien à un voyage dans le temps, avec ses ruelles sinueuses, ses demeures somptueuses, témoignages de son glorieux passé, ses points de vue d’une beauté à couper le souffle sur la Méditerranée et les Alpes, ses jardins et champs fleuris à perte de vue.
Un Commentaire