Idiotismes et gallicismes… Qu’est-ce que c’est encore que ça !
Aujourd’hui, je vais te parler des idiotismes. C’est quoi, ça ? Encore un truc complètement idiot ? Mais non, ce n’est pas mon genre, n’est-ce pas ?
Pour ta gouverne, un idiotisme, c’est une construction, une locution spécifique à une langue et généralement difficilement traduisible dans une autre langue. En tout cas, on ne va pas pouvoir traduire un idiotisme mot pour mot, il va falloir contourner l’obstacle, reformuler, s’éloigner de la syntaxe ou du vocabulaire pour en retrouver le sens quand on n’est pas un locuteur natif.
L’idiotisme est un électron libre, un élément qui s’écarte de toute règle, grammaticale ou lexicale, pour prendre un sens spécifique dans un contexte donné. Et parfois, cet idiotisme va être intégré tel quel dans une langue étrangère. Par exemple, il y a des idiotismes allemands, anglais, portugais, arabes, etc, dans la langue française.
Des mots de vocabulaire qui sont devenus français :
Des idiotismes spécifiques empruntés à la langue allemande
On les appelle des germanismes : Wanderlust, Schadenfroh ou Zeitgeist, par exemple, sont de très jolis germanismes qu’on ne traduit pas en français, on les garde tels quels. Certes, ces trois-là appartiennent à une langue recherchée, soutenue.
Mais la langue française a piqué d’autres mots qui sont aujourd’hui utilisés dans un niveau courant, par exemple bunker ou leitmotiv (tous deux masculins)… Et petite anecdote sur un germanisme dont l’histoire est rigolote : sais-tu ce qu’est un vasistas ? Aujourd’hui, un vasistas est une fenêtre dans le toit d’une maison. En fait, ce mot français vient de la transcription phonétique de l’expression allemande “Was ist das ?” (“Qu’est-ce que c’est ?”).
En 1798, quand le mot est entré dans Le Dictionnaire de l’Académie française, il désignait une ouverture dans la porte d’une maison ou d’un établissement. C’est en regardant par cette ouverture qu’on pouvait vérifier qui était le visiteur. Et l’expression “Was ist das ?” correspondait à notre “Vous désirez ?” ou “C’est à quel sujet ?”. C’est mignon, non ?
Des idiotismes spécifiques empruntés à la langue anglaise
On les appelle des anglicismes : il y en des milliers en français : week-end, jogging, stress, best off, loser, come back, cool, scoop, live, vintage, cash… Je m’arrête là, on pourrait continuer toute la journée. Dans ces anglicismes, la langue française se comporte de manière assez “respectueuse”, elle ne transforme pas les mots, sauf pour leur donner un genre (tous masculins) et bien sûr une prononciation “à la française”. Mais parfois, dans l’Hexagone, on massacre la langue de Shakespeare avant d’intégrer les anglicismes. Un exemple bateau avec pique-niquer : ici, on est partis de to picnic pour en faire un verbe qui se conjugue, ainsi qu’un substantif : le pique-niqueur, et sa femme, la pique-niqueuse.
Et maintenant, je vais te faire un cadeau, je vais t’offrir mon anglicisme préféré, mon chouchou toutes catégories confondues. Tu es prêt ? Le voici : le talkie-walkie. Cute, isn’t it ? What do you mean it doesn’t exist ? Of course it does, and it’s French, check it in the dictionary ! Bon en anglais, talkie-walkie, c’est walkie-talkie, but who cares ! De toutes manières, outre Manche, on conduit à gauche et on paie en livres sterling, alors !
Et les idiotismes spécifiques à la langue française, alors ?
On les appelle bien les “francismes”, non ? Mais, non, bien sûr que non ! Ce serait trop facile et n’oublie jamais cet axiome N°1 de la langue française : Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?!
Les idiotismes du français, on les appelle des gallicismes (du latin gallicus qui veut dire Gaulois). Tu connais Astérix le Gaulois, n’est-ce pas ? Et bien, on peut dire que les Gaulois étaient les ancêtres des Français. Un gallicisme, c’est donc une tournure typique de la langue française, venue du fond des âges. Voilà sur quoi je te propose de bosser un peu maintenant.
Première partie : les gallicismes grammaticaux
L’expression « est-ce que »
On y va tout doux : le 1er gallicisme grammatical que je te propose est tout simple, il s’agit de la locution est-ce que. Dans deux leçons YouTube, je t’ai présenté les structures utilisées pour poser une question en français. Tu le sais sans doute, est-ce que te permet de poser en français une question de niveau courant. Courant, c’est-à-dire utilisé à l’oral et correct grammaticalement.
Tu es d’accord avec moi, non ? Comment traduire mot pour mot dans ta langue : Est-ce que tu as bien tout compris ? ou Pourquoi est-ce que tu ne t’es pas encore abonné à notre chaîne YT Learn French Fun ?
Tu as bien compris que l’expression est-ce que n’est qu’un outil qui va te permettre de poser une question courante, mais qu’en soi, cette expression ne sert à rien… C’est ce qui fait son charme et sa beauté, tu ne trouves pas ?
L’expression « Il y a »
Autre gallicisme, l’expression il y a. On retrouve cette expression sous différentes formes, et dans plein de contextes différents, par exemple :
- il y avait autrefois un roi et une reine qui n’avaient pas d’enfant. (= il était une fois un roi…)
- Il y a 20 ans qu’il vit ici. (= il vit ici depuis 20 ans)
- Il y a 20 ans, il vivait ailleurs… (= une date dans le passé : on est en 2022, donc il y a 20 ans, en 2002, il vivait ailleurs, pas ici)
- Qu’est-ce qu’il y a ? = qu’est-ce que tu veux ? Avec une note d’énervement dans la voix, ou tout simplement pour savoir : qu’est-ce qui se passe ?
- Sans oublier l’expression descriptive : Il y a 500 000 personnes qui vivent sur la Côte d’Azur.
Des expressions impersonnelles
S’il te plaît, plaît-il et toute une série d’expressions impersonnelles sont des gallicismes grammaticaux : il se peut … ; il vaut mieux … ; il faut … ; ça te dirait … ; ça vaut la peine…
L’expression « Avoir beau »
Dernier petit exemple de gallicisme grammatical, la locution avoir beau qui est toujours suivie de l’infinitif. Cette expression pose souvent des problèmes aux étudiants. Est-ce que pour toi ça va ? Est-ce que tu comprends la phrase : Elle avait beau travailler dur, elle échouait à tous ses examens ?
Tout d’abord, il faut faire attention, avoir beau n’a rien à voir avec la beauté. Dans cette phrase, il y a une contradiction de termes : elle travaille dur – elle échoue. Ce n’est guère logique, ça ! Elle devrait réussir avec un tel travail ! Et bien non… Tu pourrais reformuler la phrase : Elle avait beau travailler dur, elle échouait à tous ses examens en disant : Bien qu’elle travaille (subjonctif) dur, elle échouait… ou même si elle travaillait dur, elle échouait...
Deuxième partie, les gallicismes lexicaux.
On pourrait classer dans cette catégorie certains adjectifs qui changent de sens en changeant de place. Par exemple : un homme brave et un brave homme, un homme grand et un grand homme… Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que normalement, les adjectifs se placent après le nom en français. Et donc, dans ces expressions, la place normale sera également l’idée normale du vocabulaire :
- un homme brave, c’est un homme qui a de la bravoure, autre mot pour courage. Un homme brave n’est pas lâche, il est courageux. L’adjectif est à sa place normale (derrière le nom), on a donc l’idée normale, le sens propre de l’adjectif.
- un brave homme, c’est un homme qui est honnête, gentil (dans le sud de la France, selon comment on prononce la phrase, ce n’est pas positif : Ah, c’est un brave homme, il est bien brave => il est gentil, trop gentil, un peu naïf, voire stupide ! L’adjectif brave est devant le nom, ce n’est pas sa place “normale”, et c’est donc un sens figuré, métaphorique.
- un homme grand : place “normale” et sens propre : il fait 2,10m, il est grand !
- un grand homme : place “anormale” et sens figuré : c’est une personnalité qu’on admire, un héros, un personnage historique.
Pour finir ce petit tour d’horizon
On trouve de nombreux idiotismes dans les expressions idiomatiques, et ça, ça existe dans toutes les langues. Elles ajoutent de la couleur, de la saveur à une langue et sont bien souvent impossibles à traduire littéralement. Voici une petite sélection personnelle de 5 expressions idiomatiques françaises, à toi d’en trouver le sens :
5 expressions idiomatiques
- Elle a le cafard.
- C’est comme pisser dans un violon.
- Gérard est une poule mouillée
- Il a cassé sa pipe.
- Tu dois mettre de l’eau dans ton vin.
Ce qu’elles veulent dire* : associe chaque expression avec son explication
*Si tu as des doutes, regarde à la fin de l’article, je te donnerai la correction.
- faire des compromis
- mourir
- être déprimé, voir la vie en noir
- faire quelque chose d’inutile
- être peureux, ne pas avoir de courage
Et maintenant, il ne te reste plus qu’à bosser un chouïa.
Mais attends… Il n’y aurait pas un gallicisme lexical dans cette phrase, le mot chouïa, c’est bien un arabisme (idiotisme emprunté à la langue arabe… Il est très souvent utilisé et signifie « un peu ») ? Les arabismes… Tout un programme… Ce sera l’objet d’un prochain article si ça t’intéresse. Dis-le moi dans les commentaires si tel est le cas !
Et maintenant, je te dis À bientôt pour de nouvelles aventures… “gallicistes” !
*Correction
1-C : Elle a le cafard, ça veut dire qu’elle est déprimée, qu’elle voit la vie en noir.
2-D : C’est comme pisser dans un violon. Je veux te faire comprendre que ce que tu fais est complètement inutile, que ça ne sert strictement à rien !
3-E : Gérard est une poule mouillée : ça signifie qu’il est peureux, qu’il n’a pas de courage
4-B : Il a cassé sa pipe, ça veut dire qu’il est mort.
5-A : Tu dois mettre de l’eau dans ton vin. Si je te dis ça, je te conseille de faire des compromis… Pour les Français, c’est une habitude dégoûtante de mettre de l’eau dans son vin, on ne fait pas ça, beurk !
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